Un été américain

Non, je n’ai pas traversé l’Atlantique pendant l’été, je n’ai même pas approché un avion, le seul bateau que j’ai pris a fait le tour de l’île de Bréhat (Côtes d’Armor)…

Cet été américain, je l’ai passé dans les livres, avec Jim Harrison, William Faulkner et Jay McInerney.

Jim Harrison - photo de Loic MalavardPeut-on parler de parenté entre Harrison et Faulkner ? Le premier évoque les espaces infinis des confins entre le Canada et le Michigan, il ancre ses livres chez les Indiens, en permettant au lecteur d’approcher la spiritualité d’un peuple qui a failli disparaître totalement.
Le second est celui par qui le Sud des Etats-Unis du début du 20ème siècle est entré dans le panthéon de la littérature mondiale en décrivant une société toujours écartélée par l’esclavage encore présent dans les esprits et les mentalités. Une société en voie de disparition mais dont les derniers soubresauts étaient (et sont encore ?) d’une grande violence.
L’un et l’autre donne à leurs personnages, non seulement la force symbolique de leur temps et de leur univers, mais également une présence physique et sensuelle presque exténuante, tellement elle s’agrippe au lecteur. Les images foisonnent et jaillissent, celles de la nature, personnage à part entière paraissant immortel mais toujours en danger, celles des femmes et des hommes avec qui le lecteur partage sa vie, le temps de la lecture, et même une fois le livre refermé.

William Faulkner en 1954 - photo de Carl Van EchtenC’est délicat de parler du style d’un auteur dont on ne lit qu’une traduction. Je me souviens de ma déception en lisant une première fois Sanctuaire, de Faulkner, dans une traduction vieillotte et ampoulée (heureusement la trame du roman m’a gardé l’envie d’aller jusqu’au bout du livre). Cet été, j’ai lu Sartoris, dans une traduction qui semblait rendre justice à la subtilité des descriptions et à la force des situations et des personnages.
Quasiment pas d’intrigue dans ce livre que je qualifierai de giratoire, tellement l’essentiel tourne autour du même drame, celui d’un frère abattu dans le ciel européen pendant la première guère mondiale. Comme dans un film où de longs panoramiques racontent autant qu’un dialogue, les descriptions de la nature du Mississipi rendent extrêmement sensibles les sentiments des principaux personnages.
J’ai également commencé Le bruit et la fureur, livre choral  à plusieurs voix donnant la première place à quelqu’un qu’on appelerait « débile mental » de nos jours. Je n’ai pas pu le finir mais le reprendrait quand je serai davantage au calme. La virtuosité du style y est éblouissante.

Retour en terre - Editions Christian BourgeoisRetour en terre, le dernier livre de Jim Harrison, donne également la parole successivement aux principaux personnages. C’est un hymne à la spiritualité indienne, à l’amour conjugal, à la décence nécessaire de la mort quand elle devient inévitable et choisie, à la recherche de racines qui ne doivent pas étouffer, … aux ours aussi ! La mort est centrale dans ce livre, sans nulle complaisance. La vie, elle, reste la gagnante. Et l’amour, qu’elles qu’en soient sa forme et ses modalités…

Un point commun rassemble encore Harrison et Faulkner : ils ont écrit tous les deux pour Hollywood. Il est vrai que, comme l’essentiel de la littérature américaine que je connais, ils écrivent des livres que j’appelle cinématographiques, tellement ils génèrent d’images dans l’imagination du lecteur.

La belle vie - Editions de l'OlivierLa belle vie de Jay McInerney est un roman « post 11 septembre ». l’intrigue se passe à New York dans un miliieu friqué/branché. La première partie se passe le 10 septembre, les deux dernières, après… On devine aisément le sujet du livre : rien ne peut être comme avant ! Et pourtant…
Jay McInerney est connu pour ses livres décrivant la vie plus ou moins décadente d’une certain milieu new yorkais, entre Park Avenue, Greenwich Village, TriBeCa et Wall Street. La facilité évidente du style de l’auteur rend le livre agréable à lire. Tout au long de cette lecture, je n’ai pas arrêté de me demander si je lisais un roman de gare à l’américaine, sauvé ou entaché par le cynisme et la causticité. On y trouve quelques incontournables à l’américaine : la belle vie entre cocktails et galas de charité, la rédemption dans un retour aux sources familiales (dans le Tennessee), les difficultés de la vie familiale comme dans nombre de séries télévisées américaines comme Desperate Housewives, etc.
Pourtant, je n’ai pas eu l’impression de perdre complètement mon temps en lisant ce livre… Pas seulement à cause de cette phrase : « Quand on éléve des chevaux c’est pour qu’ils acceptent la soumission et le service. Quand on élève des enfants, on espère qu’une chose, c’est qu’ils trouveront la liberté ». Mais aussi par le paragraphe qui la suit : « C’était une expression si généreuse, si proche de ses croyances qu’il n’eut pas le coeur d’y parer en invoquant une conception plus sophistiquée selon laquelle les enfants ne grandissent que pour devenir les esclaves des mêmes impératifs que ceux qui avaient aliéné leurs parents ».

Plus sophistiquée ? Ah bon …

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