Un cirque en feu !
L’incandescence d’Abd Al Malik a joué à plein hier soir devant un public conquis d’avance, acclamé comme s’il était déjà un ami de longue date. Les mercis fusaient de toute part. C’était une sorte de célébration entre déclarations de fans enamourées, veillée autour d’une grand copain sous le signe des meilleurs sentiments engagés humanistes (« Vive la France Arc en Ciel », s’est-il écrié plusieurs fois), poésie grâce à ses interprétations dépouillées de titres comme l’alchimiste ou la gravité, et explosion dansante et musicale débridée arrivant au paroxysme avec Gibraltar, Soldat de plomb, et 11 septembre 2001. En prime, un clin d’oeil d’ironie avec son texte sur « La responsabilité artistique ».
C’est peut-être ce qui a manqué à ce fabuleux concert : l’ironie. Les bons sentiments surabondaient, recueillis et amplifiés par un public qui avait très bonne conscience d’étre là, ce soir. La pente vers le rap scout n’est pas loin. Je fais le pari qu’Abd Al Malik est un grand artiste : il évitera ce piège qui conduirait vers l’art militant (est-ce encore de l’art ?) ou le réalisme humaniste…
Autre chose : son extraordinaire présence sur scène. Le Cirque d’hiver est une salle qui lui va très bien : proximité avec le public, grand espace scènique. Au début, il semblait un peu tendu, ayant du mal à faire craquer sa politesse non feinte mais qui bride sa spontanéité. Mais rapidement, à partir du moment où il a commencé à danser de sa façon si personnelle (« oui, on peut danser et penser en même temps » a-t-il lancé comme défi), il a fait éclaté ses derniers noeuds…