On reparle des Enfants de Don Quichotte. Et Augustin Legrand se réinstalle au bord du Canal St Martin. Quand il est parti le 8 janvier, il avait déclaré la levée du camp. Six semaines après, de nombreuses tentes sont toujours là. Et la situation est de plus en plus tendue.
L’Association des Riverains du Canal Saint Martin, dont je fais partie, publie sur son site une lettre ouverte très violente à Augustin Legrand, le rendant responsable du pourrissement de la situation, et de l’accroissement des nuisances et l’apparition d’agressions. Je n’aime pas du tout le ton de cette lettre. Mais il faut réfléchir à cette opération, qui a débuté dans un consensus d’enfants de coeur. et qui commence, au moins à lasser, sinon à exaspérer.
Je viens d’écouter l’interview d’Augustin Legrand sur France Inter, lui aussi très énervé notamment contre Catherine Vautrin dont il réclame d’urgence le remplacement. Je me rappelle l’apparition de la sous ministre à la télévision, complètement emperlousée, dans les ors de son ministère. En la voyant, j’avais déjà douté de ses qualités de communication.
Il semble que ce ne soit pas seulement en communication qu’elle soit incompétente. Legrand est beaucoup plus indulgent envers Jean-Louis Borloo. Il est vrai que ce dernier sait très bien manier sa communication.
Mais reloger des SDF n’est pas qu’une affaire de communication !
Doit-on reprocher à Augustin Legrand sa naïveté ? Il en faut une grande dose pour lancer une telle opération, mais cela lui avait réussi dans un premier temps. Par excès de naïveté, il a cru aussi aux promesses et engagements des politiques. Cela arrangeait tout le monde d’y croire. Et ensuite, on a pleuré la mort de l’abbé Pierre, dans un grand élan de bonne conscience nationale à bon compte. Les Don Quichotte quittaient doucement les devants de la scène médiatique. Dormez bien, bonnes gens…
Sauf que les riverains, eux, ne dormaient toujours pas très bien et commençaient à s’impatienter. Eux aussi auraient bien aimé que des solutions soient trouvées pour tous les SDF. Et que le canal retrouve, non pas son calme (ce n’est pas un endroit vraiment calme), mais son agitation habituelle.
Mais faire d’Augustin Legrand un irresponsable est totalement injuste. Il faut se rappeller comment il avait géré la situation sur le canal quand il était présent, en contrôlant au maximum les éventuels débordements. Il va reprendre le contrôle de la situation dans les jours qui viennent. Mais ce n’est pas lui qui pourra résoudre le sort des SDF.
Il faut relire le communiqué de presse du ministère des affaires sociales faisant suite aux accords entre les Enfants de Don Quichotte et le gouvernement. Et les déclarations, notamment celle du Premier ministre. Au lieu de paroles creuses selon lesquelles « il vaut mieux loger dans une chambre à deux ou à trois que loger au bord d’un canal, c’est moins mauvais pour la santé » (paroles de Premier ministre !), c’est une mobilisation qui était nécessaire. Des solutions ont été trouvées en faveur de ceux pour qui c’était le plus facile : ceux qui avaient un travail, non complètement désocialisés, en situation régulière. Mais tout le monde savait qu’il y avait une partie importante des SDF, qu’ils soient sur le canal ou ailleurs, qui nécessite un accompagnement, une écoute et des solutions particulières. Et c’est ce qui n’a pas pu être fait. A qui la faute ? Et que faire maintenant ?
Faire intervenir les forces de l’ordre ? Si nous n’étions pas en période électorale, il est possible que le gouvernement aurait déjà choisi une telle solution.
Il s’agit de nouveau et encore reprendre le long et patient travail d’accompagnement des plus précarisés de notre société. Trop d’assistanat ? C’est bien loin de la glorification de la valeur travail, très à la mode dans le débat électoral. Mais, à plus long terme, comment freiner la machine à précariser qu’est devenue notre société ? Rude travail pour le (ou la) prochain(e) président(e). Et pour l’ensemble de notre société qui ne sait plus comment faire pour parer à ce derèglement qui s’ajoute à celui du climat.